Une femme qui s’accroche amoureusement à une queue géante, une autre qui joue du piano en laissant son déshabillé généreusement glissé sous son sein, un couple qui s’enivre dans la pratique d’un cunnilingus … L’encre d’Apollonia qu’elle ressent comme son sang « Ink is my blood » écrit-elle, rend honneur à la liberté du plaisir, à la jouissance féminine avec beaucoup de sensualité et talent. Sur Instagram et Facebook, elle est contrainte à la politique de censure inflexible qui concerne la nudité, alors si vous allez sur Tumblr ou Twitter, vous trouverez tous ses dessins non censurés !
En attendant … Rencontre avec Apollonia qui m’en dit un peu plus sur son travail , le sexe et les femmes …
Pourquoi as tu choisi le sexe comme terrain de création ?
Il n’y a pas eu de choix conscient, mais plus j’avance dans mon travail, plus j’ai la confirmation que l’érotisme intéresse tout le monde et ceci pour une bonne raison : au-delà du côté pulsionnel du sexe, c’est surtout une optique qui permet littéralement de dévoiler la face cachée du monde. Il y a plus de vérité dans les secrets de l’alcôve que dans les frontons sculptés des monuments… C’est d’ailleurs une longue tradition dans la littérature érotique – Sade, Bataille ou Anaïs Nin – qui usent de cet angle pour parler en filigrane de thèmes bien différents et bien plus brisants que la nudité des corps.
Que représente l’encre dans ton travail?
J’ai essayé différentes techniques, mais je reviens toujours à l’encre. Aujourd’hui je dessine la plupart du temps sur une tablette, probablement parce qu’elle correspond le mieux à ma manière d’appréhender le monde. Elle me permet de rejoindre un équilibre dans le combat constant entre la ligne et la surface, entre le dessin et la peinture. Le travail monochrome est une forme d’abstraction supplémentaire qui me permet de me concentrer et d’affiner une palette d’effets graphiques simples mais puissants.
Qu’est-ce qui t’amuses dans le dessin érotique ?
Je ne trouve pas le dessin érotique particulièrement amusant… Par contre, j’ai souvent un point de vue ironique sur les événements quotidiens et je pense que cela transparaît dans mes dessins.
Qui sont tes héroïnes féminines ?
Héroïnes est un grand mot… Mais il y a en effet beaucoup de femmes, dans tous les domaines dont j’admire l’engagement. Marie Curie par exemple, a remporté, avec son mari, deux prix Nobel et ceci à une époque où le seul moyen pour une femme d’entrer dans un laboratoire était de récurer le sol. Ou encore Marguerite Duras, Kathryn Bigelow, Claire Nouvian, Bettina Rheims, Leonor Fini…
Les femmes ont-elles pris le pouvoir dans le monde d’Apollonia ? Quelle est la place du masculin dans ton travail ?
Les femmes sont en effet souvent « en charge » dans mes dessins, mais pas exclusivement. Je pense qu’il s’agit surtout d’un effet d’optique. Dans une bonne partie de l’iconographie qui constitue notre bagage culturel, les femmes ont été grossièrement sous-représentées et cantonnées dans des stéréotypes, soit vierge ou putain. Ce n’est donc que justice, en plus d’être un terrain d’exploration fascinant, de prendre la liberté d’imaginer des femmes dans des nouveaux rôles imaginables. Le masculin a bien sûr encore sa place dans mes dessins, simplement il ne joue plus forcément toujours le premier rôle auquel nous avons été habitué durant des siècles.
Comment décrirais-tu ton travail ?
C’est une activité née pour mon plaisir égoïste qui, de manière inattendue, a trouvé un public auquel faire également plaisir.
Que représentent pour toi le sexe, l’érotisme ?
L’Origine du monde…
Es-tu surprise de ton succès sur Instagram ?
Totalement. J’ai commencé à partager mes dessins sur les réseaux sociaux presque par hasard et sans aucune ambition particulière. La réaction du public m’a complètement dépassé et je continue à être surprise par les témoignages d’intérêt que je reçois chaque jour. Je regrette beaucoup de ne pas pouvoir remercier individuellement chaque fan pour son soutien.
As-tu le désir de mettre en avant tes dessins sur de nouveaux supports ?
Je travail entre autre sur un projet de recueil de dessins, afin de mettre sur papier ce qui jusqu’à maintenant n’était visible que sur écran. Mes dessins se sont enrichis au cours des mois de beaucoup de détails et parfois ne passent plus aussi bien dans le cadre limité d’un smartphone. Il y aura aussi de nouvelles couvertures de livres, une exposition collective à Barcelone et surtout plus de dessins…
Apollonia Saint Clair ne vend pas ses originaux, mais fait des tirages en série limitée, à partir de 60 € pour les petits formats. Sinon, on peut trouver des prints et des gadgets sur son site.