Iman Bassalah by Yann Figueiredo

Iman Bassalah by Yann Figueiredo

Et si on s’intéressait à la vie sexuelle des écrivains en cette rentrée littéraire ! L’écrivaine, journaliste et Docteur en lettres tunisienne Iman Bassalah s’est  passionnée pour l’intimité des plus grands auteurs de la littérature française. Grâce à sa collecte de lettres, journaux, agendas retrouvés, témoignages, dessins annotés et correspondances, elle nous dévoile les incroyables expériences et passions de Victor Hugo, Madame La Fayette, Marcel Proust, Georges Sand, Jean de La Fontaine, Marguerite Duras, Georges Simenon et Colette.

Pourquoi Madame de La Fayette désire mais refuse de livrer son érotisme aux mains de l’autre ? Simenon aurait-il autant écrit de livres, s’il n’avait pas trouvé dans les bras de nombreuse femmes, des intrigues et des milieux sociaux  pour agrémenter ses enquêtes ? En quoi Duras et Proust partagent le même traumatisme maternel qui se retrouve dans leur sexualité ? En plongeant dans  La vie sexuelle des écrivains vous y découvrirez anecdotes et mystères et puis que malgré les siècles qui les écartent, tous ces grands qui ont marqué la littérature ont cette soif libidinale qui les nourrit et même pour certains dans l’acte d’écrire qui peut être par lui même une activité sexuelle …

Rencontre avec Iman qui nous en dit un peu plus sur son enquête …

Qui est Iman Bassalah ( femme, écrivaine ) ? 

Mon Dieu, c’est une colle, cette question ! Femme indépendante et sans doute un peu névrosée, qui régule avec de l’humour, de l’affection et du Pilates. Pour l’écriture, c’est compliqué aussi : j’ai écrit des romans que je trouve très bien, qui m’ont pris des années, et dont mes éditeurs n’ont jamais voulu… Et des livres que je trouve faciles, écrits en quelques mois, qui ont tout de suite connu le succès… J’espère un jour résoudre cette énigme  !

Pourquoi as-tu eu l’envie de travailler sur la vie sexuelle des écrivains ? 

Une phrase de Marguerite Duras m’a interpellée un jour : «on désire comme on écrit, toujours». Il s’agissait surtout, pour moi, de m’amuser avec les écrivains et de partager cette fantaisie. Je voulais voir ces auteurs morts reprendre vie, à travers l’expression de leurs désirs et de leurs contradictions, les sortir de la naphtaline pour les remettre dans de beaux draps. Ecouter aussi leur enseignement, car la sexualité n’a rien de léger, la plupart du temps. La joie sexuelle existe bien chez eux parfois, mais n’oublions pas qu’il s’agit d’intellectuels, de personnes qui sont très peu aptes à vivre l’instant présent, promptes à la réflexivité de tout acte. «J’ai servi deux tyrans ; Un vain bruit et l’amour ont partagé mes ans» conclue La Fontaine. Le père du Corbeau et du Renard, le roi de la morale, était d’une concupiscence absolue.

Marguerite DURAS

Marguerite DURAS

Y’a t-il des vies qui t-ont surprise, choquée, amusée  ?

La vie sexuelle qui m’a le plus surprise, c’est celle de Proust. Son homosexualité semblait aussi haïe dans son coeur que son agressivité pour sa mère était refoulée. Il souffrait, harcelait ses amours ou les faisait suivre par un détective privé, comme il le fit pour son secrétaire-chauffeur Agostinelli, payait pour voir des hommes s’ébattre dans des pratiques sexuelles extrêmes, et rentrait raconter son dégoût de tout cela à sa bonne Céleste. La police des moeurs l’a même embarqué à quelques reprises, parce qu’il se trouvait avec des mineurs dans certains endroits.

Aucune ne m’a choquée, parce qu’on ne peut juger sous l’angle du choc ce qui peut être expliqué par une âme particulière, un contexte historique, l’évolution des moeurs… Ou, tout bonnement, la littérature !

Marcel Proust

Marcel Proust

Celle qui m’a le plus amusée : Duras. S’est-elle aperçue que, dans sa trajectoire faite d’étoiles et de trous noirs, elle avait inversé son destin au point de passer de l’entretenue (le fameux Amant), à l’entreteneuse (son dernier amant, Yann Andréa, sans le sou), transformant le sexe en littérature, la littérature en argent ? Elle a rendu la monnaie de sa pièce partout, y compris au sens théâtral du mot «pièce». La Fontaine est pas mal non plus quand il a tellement peur de tomber sur le mari de l’une de ses maîtresses qu’il lui écrit à plusieurs reprises de vérifier qu’il est bien parti et de penser à lui laisser du bon champagne et de la volaille à son arrivée. Aucun de ces auteurs n’est sublime dans sa vie sexuelle, même Madame de La Fayette est parfois très mesquine dans sa manière de commenter la vie des autres. C’est ce qui les rend touchants.

Jean De La Fontaine

Jean De La Fontaine

Madame de La Fayette

Madame de La Fayette

En tant qu’écrivaine pourrais-tu avoir  le désir d’écrire sur ta propre  vie sexuelle ? 

Je me demandais quand est-ce que l’on me poserait la question de la transposition de ma propre expérience ! Je ne me considère pas comme aussi intéressante, et je n’aimerais pas ébruiter ma vie privée du vivant de mes parents.  Toutefois, j’ai écrit de nombreux livres érotiques sous pseudo, pour gagner des sous, et j’y ai bien sûr mis de ma vie…

Comment as-tu choisi les écrivains ? 

J’ai choisi des auteurs entre le 17 ème au 20 ème siècle, parce qu’ils permettent de rendre compte de l’évolution des pratiques sexuelles, des interdits, des outils de la parade nuptiale (le maquillage et les sous-vêtements sexy de Madame de Lafayette sous Louis XIV ne sont pas les même que ceux de Colette, même s’ils sont peut-être aussi inflammables !).

Colette

Colette

Les recommandations des hygiénistes et des médecins aussi varient. La masturbation épuise au temps de Sand, quand une personne est trop pâle, on la soupçonne de s’y adonner, et le père de Proust (il était médecin), plus tard, lui intimera de moins se masturber. Les textes de lois évoluent aussi. Le constat d’adultère, par exemple, du temps de Hugo, n’était fait que si l’homme trompait sa femme sous le toit conjugal. Alors qu’une femme qui trompait son mari, même à l’hôtel, était conspuée. La question du devoir conjugal, pour signifier à leur mari qu’elles n’avaient plus de désir, les femmes disaient qu’elles ne voulaient plus d’enfants. Aussi, je souhaitais une parité entre les hommes et les femmes, que leurs styles littéraires soient différents, et qu’ils puissent englober une sorte de galerie d’archétypes sexuels « l’homosexualité masculine et féminine, la bisexualité, la retenue sexuelle, la boulimie, la sexualité comme pouvoir, la sexualité comme détente ». Il s’agissait aussi de visiter les lieux de plaisir, la Cour, les cabarets, les orgies, les maisons closes, les portes cochères…

Victor Hugo a écrit « Baiser c’est créer » qu’en penses- tu ? 

Victor Hugo

Victor Hugo

«Baiser», c’est déjà inventer. Des situations, du désir, et des manières de l’exercer. Pour ne pas se faire prendre par Adèle, Victor Hugo tenait par exemple des carnets où, ogre littéraire et sexuel, il codifiait ses rendez-vous avec les femmes, racontant par exemple : qu’il a reçu une «vue» (carte postale) «de la Suisse» pour dire qu’il avait vu les seins de telle jeune fille à qui il avait adoré montrer sa… «grosse écriture» ! Quand on «baise», comme quand on «crée», on déchiffre des codes pour en retranscrire d’autres. Alors, oui.

Georges Sand

Georges Sand

La Renarde se plait à interviewer des femmes qui parlent de sexe.

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