Ce sont les mots d’Adeline Fleury qui a trente-cinq ans découvre l’orgasme pour la première fois. La journaliste et auteur se met à nu dans son premier livre « Petit éloge de la jouissance féminine » pour nous livrer son histoire, celle d’une femme qui souffrait dit-elle d’une « excision psychique ».
« L’année de mes 35 ans j’ai pris conscience que quelque chose ne tournait pas rond dans mon existence, je vivais à moitié ; j’étais à moitié épanouie dans ma vie personnelle, à moitié épanouie dans ma vie professionnelle.»
Longtemps prisonnière d’un corps éteint, jusqu’au jour où, elle rencontre celui qu’elle nomme « l’homme électrochoc » qui l’amènera sur le chemin du plaisir, celui qui dit-elle bouleverse corps et âme. Avant d’être auteur, Adeline était reporter pour le JDD, elle couvrait les sujets autour de l’Education nationale et du Vatican. C’est d’ailleurs à Rome, qu’elle a joui pour la première fois, depuis elle est guidée par une religion, celle du désir qui l’élève en tant que femme et écrivaine.
Dans un monde où le droit à l’orgasme féminin apparaît comme une exigence légitime, une revendication pour toutes, 16 % des femmes atteignent systématiquement l’orgasme, 55 % souvent, 21% rarement et 5 % jamais (enquête réalisée en 2011 par l’Observatoire du couple). La jouissance féminine semble encore une énigme pour beaucoup de femmes tant l’exigence d’une sexualité orgasmique est forte de nos jours. Heureusement l’absence d’orgasme n’est pas une fatalité et Adeline Fleury en fait un merveilleux témoignage. Son livre est avant tout une belle histoire d’amour entre un homme et une femme mais aussi un cri, celui d’une femme qui apprend à s’aimer, qui s’ouvre à la volupté et qui accepte d’éprouver du plaisir grâce à l’intervention de son partenaire.
Mais alors que se passe t-il dans la tête d’une femme qui n’a jamais joui, le jour où enfin elle découvre le plaisir ?
« Cette nuit, moi aussi j’ai poussé un grand cri, un cri de soulagement, une explosion, un court circuit entre corps et âme. Cette nuit, j’ai retrouvé ma voix. Ma voix intérieure. »
J’ai rencontré Adeline autour d’un café elle m’a parlé de sexe, de désir, des femmes avec la même sincérité que dans son livre.
Comment est né votre désir d’écrire ?
J’ai d’abord tenu un carnet de bord de ce que je vivais au quotidien l’année où cette révélation m’a touché, car j’avais ce besoin de le mettre sur papier. A cette période, mon éditeur désirait mettre en avant le désir féminin, il m’a donc proposé de faire des essais et j’ai finalement écrit le livre en deux mois.
Qu’est-ce qu’une femme a-sensuelle ?
C’est une femme qui n’a plus aucun désir dans la vie. C’est une femme fermée au plaisir de vivre et à tout ce qui se passe autour d’elle.
Quels conseils donneriez-vous à celles qui se refusent le plaisir ?
De ne surtout pas se le refuser, sans se mettre forcément dans une quête effrénée. Ne rien s’interdire, écouter son corps, ses envies, même avec un homme de passage. Pour celles qui sont en couple, il faut essayer de communiquer, tenter des jeux dans le quotidien et pas seulement se retrouver le samedi soir ! Il faut oser, quitte à ne plus se reconnaître par moment et sortir de sa zone de confort.
Pensez-vous que votre histoire soit celle de nombreuses femmes ?
Oui, je connais d’autres femmes qui comme moi ont joui pour la première fois très tard et qui n’osent pas en parler. Elles ont comme moi vécu une espèce de frustration sans avoir une absence totale de plaisir. Les femmes n’osent pas et n’arrivent pas à mettre des mots sur ce qu’elles vivent et ressentent. Moi, j’ai eu le déclic après la maternité, j’avais peut être besoin d’être mère avant d’être femme …
A qui s’adresse votre livre ?
J’ai envie de dire à tout le monde. D’abord aux femmes qui n’osent pas écouter leur corps, qui ne prennent pas de risque et aux hommes pour qu’ils comprennent ce qui peut se passer lorsqu’ils touchent le corps d’une femme.
Quelles sont les réactions de femmes et des hommes à la lecture de votre livre ?
J’ai davantage de réactions de la part des hommes. Ceux qui ont eu beaucoup d’expériences me remercient car j’ai su mettre des mots sur ce qu’ils ne comprenaient pas pendant l’acte d’amour. Ils me considèrent un peu comme une confidente, d’anciens collègues m’ont confié que mon écriture les avait rassuré. Certains amis n’ont pas souhaité le lire car ils ne voulaient pas « être dans mon lit ». J’ai aussi eu des discussions avec des jeunes filles féministes qui m’ont reproché de mettre les hommes au centre de ma révélation. Je pense simplement qu’à cette période de ma vie, j’étais prête à rentrer en phase avec mon corps. Cette histoire c’est d’abord une histoire d’amour celle d’un homme et d’une femme mais aussi celle qui m’a permis d’apprendre à m’aimer.
Quelle serait votre définition de la jouissance ?
C’est une définition pas évidente. Je pense qu’il y a des degrés dans l’orgasme. C’est un état où je sens tous mes sens se diluer dans mon corps et cela peut durer plusieurs jours. Comme une élévation, je me sens plus légère, en accord avec mon âme et mon corps. C’est assez spirituel.
En quoi la jouissance féminine mérite t-elle une éloge ?
Parce qu’elle est joyeuse, merveilleuse, c’est une grande fête ! Il faut la célébrer et ne pas en avoir honte. Il ne faut plus qu’elle soit tabou.
Vous vous définissez comme une hypersexuelle et non une nymphomane, quelles différences faites vous ?
Je me sens hypersexuelle car j’ai de gros besoins mais je n’ai pas forcément l’envie de multiplier les partenaires, ni de me donner simplement pour satisfaire ce besoin. J’ai des besoins charnels et amoureux, je peux faire plusieurs fois l’amour par jour avec l’homme aimé. Peut être que la nymphomane est plus de l’ordre de la pathologie car elle à un besoin douloureux à combler.
Comment définiriez-vous le sexe ?
Je définirai le sexe comme la rencontre du corps de l’âme et de l’esprit grâce à une autre personne.
Et l’érotisme ?
Le bouleversement des sens par les fluides.
Crédit photos : Eric Dessons
Petit éloge de la jouissance féminine
Editions François Bourin