Ce sont donc 20 femmes qui se sont confiées à elle sur leur vie affective et sexuelle avec une grande vérité. Masturbation, cunnilingus, sodomie, clitoris, tromperie, levrette, porno, l’amour à plusieurs, soumission, premier orgasme, plaisir autant de sujets et tabous abordés à travers des histoires amusantes, parfois étonnantes et aussi banales. Et puis parmi ces femmes, 7 d’entre elles ont subi des agressions sexuelles, une réalité désarmante … Très intime est un ouvrage authentique sur l’expérience sexuelle féminine, comme un recueil précieux sur l’émancipation sexuelle des femmes …
Rencontre avec Solange, Ina qui me parle de son livre, des femmes, des violences, des québécoises, de nudité , de sexe ….
Qu’est ce qui t’a donné envie de mettre à l’écrit ton expérience radio avec les femmes et leur sexualité ?
Je trouve que le livre est un meilleur outil de partage qu’un podcast qui n’est pas toujours écouté dans des conditions optimales. Il permet de concentrer son attention, de le partager, c’est un objet concret avec lequel on vit, il peut tomber dans plusieurs mains, on peut écrire dedans , lui corner les pages … J’avais très envie de sortir de l’espace des réseaux , la série a eu une audition un peu confidentielle sur internet et c’était aussi un moyen de remettre une attention soutenue sur cette enquête.
En quoi cette rencontre avec les femmes est la mission la plus importante de toute ta vie ?
Comme je suis quelqu’un d’assez solitaire et que mon travail repose beaucoup sur un repli narcissique de l’autoportrait, c’est un moyen pour moi de m’engager politiquement, de m’ouvrir à l’autre, de m’interroger à travers eux et de dépasser ma solitude. Je me suis aussi pris en plein visage les nombreux cas d’abus …
Toutes ces femmes qui se sont confiées à toi dans leur intimité comment t’es-tu adressée à elles en tant qu’Ina ou Solange, parfois as tu eu l ‘impression d’être une psy ?
C’était évidemment Ina, certaines connaissaient Solange, ça les a prédisposées à me recevoir, d’autres ont refusé de me rencontrer car elles n’aimaient pas. Je n’ai pas eu l’impression d’être une psy, c’était particulier entre la déposition de police et l’écriture théâtrale parce que finalement c’était comme du documentaire en capturant des paroles spontanées et honnêtes. Parfois, j’ai mis le doigt sur des choses qui me paraissaient problématiques mais j’y suis allée de manière délicate et respectueuse, alors je ressentais comme une prise de conscience devant moi. C’était assez gratifiant.
Sur Nova tu as dit que cette expérience était comme une tentative d’épuisement à la sexualité, pourquoi vouloir en arriver jusque là ?
Je me suis beaucoup interrogée sur ma propre sexualité et j’avais besoin de prendre du recul, j’étais curieuse de comprendre comment cela se passe pour les autres, la norme, soulever les grandes tendances et entendre tous ces récits aussi singuliers qu’ils soient. Je souhaitais tout mettre à plat, poser des questions aux femmes afin qu’elles puissent m’avouer leurs maux. Aller au fond, c’était un peu radical et obsessionnel de ma part …
As tu étais touchée, amusée, choquée par certains témoignages ?
Judith fait partie des témoignages que l’on peut parfois dire qu’ils sont trop crus, sa parole m’a rafraîchi, apaisé je me suis dit si j’avais quatorze ans aujourd’hui et que j’entendais ses mots je serai alors complètement décomplexée, cela me donnerait de la force ! J’ai aimé entendre le désenchantement de Rose, le point de vue médical de Chloe, le récit plein de lucidité et de distance de Mathilde sur son agression mais aussi sur ses grossesses. J’adore le vocabulaire très fleuri de Bintou qui a vécu dans la rue et qui se dit elle même « bonhomme » une sorte d’opposé de moi même, une rencontre très marquante.
Sur 20 femmes que tu as rencontré 7 ont subi des violences sexuelles, cela t’a surpris ? Aurais-tu une idée, un message à faire passer pour lutter contre ?
Lorsque je me suis rendue compte qu’elles étaient aussi nombreuses que c’était banal et si fréquent cela m’a révolté. Je n’ai pas vraiment de message à faire passer, pour moi c’est un livre qui doit voyager entre les mains des hommes, des femmes, de tous. Il y a un grand enjeu d’éducation qui me dépasse qui commence à l’école et dans les familles. Comme le dit Madeleine « on a beaucoup dit aux femmes de ne pas se faire violer mais on n’a pas appris aux hommes à ne pas violer »
En tant que Québécoise grâce à cette expérience avec les femmes françaises pourrais-tu me donner les plus grandes différences entre ces deux nationalités sur l’approche de la sexualité ?
Les Québécoises me disaient en parlant des français qu’ils étaient plus machos, c’est un peu cliché mais je pense que c’est vrai, les femmes au Canada ont une certaine forme d’aplomb et l’Histoire du Quebec est assez marquée par un certain Matriarcat. L’égalité est en meilleure voie et surement plus établie la bas pour l instant. En France, on reste dans des rôles plus archétypes …
Que représente le sexe pour toi ?
C’est une très grande question, c’est un moyen d’expression, une émotion, une façon d’exprimer une animalité qui n’est pas en ce qui me concerne, et j’ ai mis du temps à le comprendre, forcément en corrélation avec l’amour et le couple donc qui peut se vivre ailleurs et autrement. Ce sont des énergies qui circulent et qu’il faut parfois purger de manières les plus éthiques possibles, c’est toujours délicat et mystérieux …. ouai c’est une drôle de chose !
Dans tes vidéos tu aimes dissocier la sexualité de la nudité pourquoi ?
Pour que l’on arrête d’objectiver les femmes. Pour moi un corps nu c’est avant tout l’anatomie, l’organique, l’Art, la sensorialité, l’enfance, le partage. Réduire la nudité à la sexualité c’est ouvrir la porte aux agressions.
Tu as rencontré des femmes entre 19 ans et 46 ans tu n’as pas eu l’envie de connaitre la sexualité des séniors , des grands mères ?
C’est un peu par hasard, mais le recrutement s’est fait via les réseaux donc je suis tombée assez naturellement sur des profils plus jeunes, ce n’était pas un choix conscient j ai plutôt misé sur la variété des origines, des profils socio-professionnels que sur l’âge.
La jolie couverture de ton livre est une vulve, depuis quelques années maintenant nous en savons un peu plus sur l’anatomie de la femme et surtout sur celle du clitoris . Penses- tu que ces connaissances sur cet organe de plaisir risquent de changer les comportements / mentalités dans notre société ? Serais-tu prête à participer à une révolution clitoridienne ? si oui comment ?
Je suis très fière de cette couverture, si je me souviens bien la découverte du clitoris remonte à 1998, c’est ridiculement tard cela n’a même pas de sens ! Cela va être long, en plus les scientifiques ne s’y intéressent pas car il n’y a pas de rôle avec la reproduction. Dans un extrait de « Folle » de Nelly Arcan elle explique que si on avait en tant que femmes des décharges qui contribueraient comme l’éjaculation à la procréation on aurait tout un autre regard sur la sexualité féminine.J’espère que les comportements et les mentalités vont changer,je n’hésiterai pas à remontrer et redire les choses, et si on me demande de me mobiliser pour que cela soit plus systématiquement enseigner à l’école, je le ferai.
Quelle serait ta propre définition d’une vulve ?
Je dirais la zone de peau génitale.
Accepterais-tu comme ces femmes que tu as interrogé de parler de ta propre sexualité ?
Ce qui est compliqué c’est que je ne jouis pas de l’anonymat, qui était la grande condition à laquelle je tenais pour ces 20 femmes. Je continue d’écrire des projets qui vont un peu plus sur le terrain de mon intimité mais peut être pas aussi frontalement qu’avec elles.
Comment décrirais-tu ta communauté ?
Très diverse, sensible en constante remise en question et intelligente.
Comment vois-tu une vie sans sexe ?
C ‘est comme cette tentative d’épuisement , une période de jeun qui fait du bien et qui remet les fonctions à zéro, cela repose. On peut injecter la libido dans plein d’autres endroits donc je m’attribue des périodes sans sexe et cela me convient bien. Le sexe peut parfois être un lieu de conflit, c’est fatiguant …. Après un début de sexualité assez mouvementé en ce qui me concerne tout ce travail là était un moyen de me régénérer et de prendre du recul et je peux trouver d’autres ressources dans l’abstinence sans pour autant dire que c’est un absolu.
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